Quiconque a vécu l’interminable jeu de devinettes – et souvent ennuyeux -, l’activité préférée des enfants dans les bus longue distance, a entendu la question mortelle : « Alors, tu tends encore la langue au chat ? ». S’ensuivirent, bien trop fréquents, l’abdication honteuse de ceux qui ne parvinrent pas à trouver une solution, et le ricanement exaspéré du vainqueur de la partie.
D’un autre côté, si cette expression était répétée un nombre incalculable de fois dans l’enfance, personne ne saurait à quoi sert un chat qui mange les gens. Nous expliquons ici l’origine de cette expression très française. Bonne lecture!
Définition de l’expression « donner sa langue au chat »
L’expression française « donner son langue au chat » est une expression parlée utilisée dans les contextes les plus plaisants. Cela signifie qu’on « abandonne la clé pour trouver un puzzle, une anagramme, etc. », selon la définition donnée par le Cnrtl. Il peut aussi s’écrire avec d’autres verbes, comme jeter la langue au chat.
Origine de l’expression « donner sa langue au chat »
Autrefois pas une coutume, chercher l’origine de « donner la langue au chat » dans la littérature est trop inhabituel. Et, chance de notre côté cette fois, nous pouvons déterminer la date exacte de l’emote. Cependant, cette expression n’est pas apparue d’abord sous la forme la plus populaire que nous utilisons aujourd’hui : nous attribuons ses origines à son ancêtre « jeter des langues aux chiens ».
Alors qui est l’auteur ? Tournons-nous vers le XVIIe siècle et les épîtres monumentales de Madame Sévigné, connue pour son penchant pour les expressions animales, et qu’on ne présente plus. En 1676, son mari, M. de Sévigné, emploie l’expression « tirer la langue à un chien » dans une lettre à sa fille :
Devinez ce que c’est, ma fille, que la chose du monde qui vient le plus vite et qui s’en va le plus lentement, qui vous fait approcher le plus près de la convalescence et qui vous en retire le plus loin, qui vous fait toucher l’état du monde le plus agréable et qui vous empêche le plus d’en jouir, qui vous donne les plus belles espérances du monde et qui en éloigne le plus l’effet : ne sauriez-vous le deviner ? Jetez-vous votre langue aux chiens ? C’est un rhumatisme.
Lettre 384, 3 février 1676, dans Marie de Rabutin-Chantal marquise de Sévigné, Lettres de Madame de Sévigné de sa famille et de ses amis, Tome III, Paris, 1806
Il est difficile de savoir exactement qui du mari ou de la femme est responsable de l’utilisation de cette expression, mais il n’en reste pas moins que sa signification ne nous est pas si claire. Georges Planelles nous en donne une explication dans son livre 1001 expressions françaises préférées. « L’expression représentait métaphoriquement à ses interlocuteurs les restes de canidés jetés sur eux, et par extension à des choses sans valeur […] Leur tirer la langue, c’est renoncer à l’organe de la parole », disent les auteurs. .
C’est plus clair. Mais pourquoi passer du chien au chat ? Si, pour certains, le changement a été motivé par une volonté d’adoucir l’expression, nos experts de l’expression française ne sont pas d’accord. Selon lui, le nœud du mystère est ailleurs. Plus précisément, au 19e siècle, la forme du « donne ta langue au chat » émerge et apparaît sous la plume d’un nouvel auteur : Aurore Dupin, plus connue sous le nom de George Sand.
Quant à l’auteur, il utilise l’expression « mettre quelque chose dans l’oreille d’un chat » pour traduire une envie de déverser un secret, une confidence qui une fois prononcée est vouée à l’oubli. Ainsi, le chat sera le garant animal secret et, à son tour, la personne sur laquelle nous nous appuyons lorsque nous ne trouverons pas de solution. On vous l’attribue, c’est un peu tiré par les cheveux.
Exemples d’usage de l’expression « donner sa langue au chat »
— Une fois, deux fois, trois fois, donnez-vous votre langue au chat ?
Edmond de Goncourt et Jules de Goncourt, Les Hommes de lettres, 1860
— Attends !
— C’est qu’il a l’air de chercher ! … Oh ! les hommes… Donnez-vous votre langue au chat, oui ou non ?
— Eh bien…
— Eh bien, la donnez- vous ?
— Je vous attendais… j’en ai une bien bonne… Tenez-vous bien ! Devinez.
François Mauriac, Le Mystère Frontenac, 1933
— Allons, Alfred – intervint sa femme, – elle donne sa langue au chat.